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22 novembre 2013 5 22 /11 /novembre /2013 13:18

 

Les avocats ont déposé quelque 350 plaintes, dont celle des A., contre BNP Paribas, pour pratique commerciale trompeuse, au parquet du tribunal de grande instance (TGI) de Paris. |

AFP/LOÏC VENANCE

 

Respectivement électricien et employée administrative en Normandie, M. et Mme A. se sont laissé séduire par un conseiller en gestion de patrimoine de Caen venu leur proposer de l'investissement locatif dans une résidence touristique des Alpes-de-Haute-Provence.

 

  

 

« Vous payez plus de 3 000 euros d'impôt ? Je vous propose de défiscaliser pendant six ans, ce qui vous permettra de préparer votre retraite et de participer à l'effort de logement national » , a-t-il avancé. « Vous ne vous occupez de rien, vous touchez un loyer tous les mois, vous êtes protégés par la loi » , a martelé le commercial… Et, comme ils hésitaient, il les a pressés : «Dépêchez-vous car tous les lots vont être vendus !»

 

Si bien qu'en avril 2008, ils ont signé un contrat de réservation d'un studio devant être construit au premier étage de la résidence les Blanches Provençales, à Chabanon, commune située à 1 550 mètres d'altitude. Le prix de vente était fixé à 121 000 euros, le remboursement sur vingt-cinq ans, à 809 euros par mois, et les loyers de 379 euros par mois étaient « garantis pendant neuf à onze ans (renouvelable) » .

 

Comment financer l'achat ? Le conseiller de gestion en patrimoine leur propose

«la meilleure offre du marché» , avec « la banque la plus puissante d'Europe » , BNP Paribas : il s'agit du produit Helvet Immo, un prêt en francs suisses remboursable en euros.

N'est-ce pas risqué, demandent les acheteurs, qui entendent parler tous les jours de la crise des subprimes (crédits immobiliers risqués) qui a éclaté aux Etats-Unis, et viennent d'apprendre la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, en septembre 2008.

 

MOTS MAGIQUES

 

 

 

Pour les rassurer, le gestionnaire utilise des mots magiques comme « taux bas » , « taux fixe » , « valeur refuge » , ainsi que des graphiques montrant que depuis 1987 (sic) le taux de change entre l'euro (monnaie qui n'existait pas) et le franc suisse est « stable » . Convaincus, ils signent.

 

Mais, en septembre 2011, lorsqu'ils reçoivent un décompte bancaire, ils constatent qu'ils doivent rembourser 174 347 euros à BNP Paribas, et non 129 000. Avec la crise, l'euro s'est déprécié par rapport à la monnaie helvétique, fameuse « valeur refuge »  : 1,60 franc suisse ne vaut plus 1 euro, mais 82 centimes d'euros. Leur capital à rembourser a augmenté de 26 % !

 

 

Ils découvrent sur Internet que quelque 4 000 personnes ont, comme eux, contracté ce type d'emprunt. Ils rejoignent un collectif des victimes du crédit Helvet Immo, qui confie la défense de ses intérêts à deux jeunes avocats spécialisés en droit bancaire et en droit de la consommation, Me Charles Constantin-Vallet et Me Eléonore Camilleri.

Les avocats déposent quelque 350 plaintes, dont celle des A., contre BNP Paribas, pour pratique commerciale trompeuse, au parquet du tribunal de grande instance (TGI) de Paris.

« La banque a masqué le risque de change, et elle a fait croire que le taux d'intérêt était fixe, alors qu'il est révisable au bout de cinq ans » , expliquent-ils.

Aucune enquête n'étant ouverte, ils redéposent les plaintes, cette fois avec constitution de partie civile, en juillet 2012, auprès du doyen des juges d'instruction du TGI de Paris. Une juge, Claire Thépaut, est enfin désignée, en avril 2013.

 

LA SOCIÉTÉ EN REDRESSEMENT JUDICIAIRE

 

 

En outre, les avocats vont bientôt assigner BNP Paribas au civil, afin de demander réparation du préjudice subi par leurs clients. Ils lui réclament le paiement de la différence entre le remboursement en francs suisses et celui en euros – soit quelque 40 000 euros pour M. et Mme A. Les arguments qu'ils vont invoquer sont notamment l'interdiction du démarchage des produits financiers et l'insertion de clauses abusives dans le contrat.

 

Ils ne sont pas pour autant rassérénés : depuis le début de 2013, le gestionnaire des Blanches Provençales, Rémy de Lecubarri, ne leur verse plus leurs loyers qui, pourtant, étaient

« garantis ». Motif invoqué : les difficultés de trésorerie liées à la guerre des prix bas qu'auraient imposée les tour-opérateurs.

En octobre, ils apprennent que la société à responsabilité limitée Elisa Gestion, gérée par M. de Lecubarri, est placée en redressement judiciaire. Les A. font état de leur créance auprès du mandataire judiciaire. Ils espèrent que leur résidence trouvera un repreneur. Sinon, ils auront tout perdu, y compris l'avantage fiscal dont ils bénéficient depuis le début de la location, en décembre 2009 – et qu'ils devront rembourser aux impôts !

« La moitié de ces résidences ne trouvent pas de repreneur », avertissent leurs avocats.

Me Constantin-Vallet et Me Camilleri s'apprêtent à déposer une plainte pour

«escroquerie et pratique commerciale trompeuse» contre M. de Lecubarri, gestionnaire à la fois de la résidence, mais aussi de la société de promotion immobilière.



DEVOIRS D'INFORMATION ET DE CONSEIL

Au regard des éléments du dossier, ils estiment qu'il a mis en place

« un fonds de concours destiné à masquer la réalité de la rentabilité de l'investissement ». Il aurait vendu les lots de la résidence à un prix supérieur au marché, et utilisé une partie de la marge ainsi dégagée pour alimenter le fonctionnement de la résidence ainsi que le versement des loyers aux bailleurs, pendant environ trois ans.

 

Au tribunal de grande instance de Montpellier, ils pourraient aussi assigner tous les intermédiaires n'ayant pas respecté leurs devoirs d'information et de conseil, comme le notaire

« qui connaissait le marché et aurait dû dire que les biens ne valaient pas autant », et le conseil en gestion de patrimoine.

 

http://sosconso.blog.lemonde.fr/

Rafaële Rivais

Journaliste au Monde

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