Mécontents de la hausse de leur endettement, des emprunteurs de crédits indexés sur le franc suisse viennent de déposer plainte contre le prêteur et les intermédiaires, conseillers en gestion de patrimoine et promoteurs, pour pratiques commerciales déloyales et trompeuses.
Une prise de risque sur la monnaie suisse.
Pour rappel (L’Agefi Actifs n°510, p. 4), BNP Paribas Personal Finance avait proposé à des investisseurs, environ 4.000 particuliers, en 2008 et 2009, un emprunt immobilier libellé en francs suisses et remboursable en euros. Les prêts avaient été conclus en vue d’un investissement en Scellier ou dans des SCPI. Pour la commercialisation de ce produit, l’argumentaire consistait à promouvoir la stabilité de la monnaie helvétique et à offrir un taux d’intérêt soi-disant attractif.
Mais depuis, le franc suisse s’est fortement apprécié, ce qui met à mal le montage et provoque un renchérissement important du capital à rembourser. Cette hausse se traduit par un allongement de la durée du crédit qui est toutefois limitée à 25 ans. « Au-delà, la mensualité peut augmenter sans limite,s’inquiète l’avocat Charles Constantin-Vallet. Il est difficile pour un non-averti de comprendre ce prêt. » En effet, les emprunteurs ne semblent pas avoir appréhendé le risque de change qu’ils prenaient et se mobilisent désormais afin de se débarrasser du crédit très coûteux.
Action pénale contre la banque…
Ainsi, Charles Constantin-Vallet est en train de déposer plainte pour une trentaine de ses clients. Cette dernière vise une infraction au Code de la consommation, celle de la pratique commerciale déloyale et trompeuse (art. L. 120-1 et L. 121-1).« Cette infraction incrimine le comportement du professionnel qui, lors de la vente d’un produit, le présente de manière avantageuse et s'abstient d'évoquer les risques,explique Charles Constantin-Vallet.Mes clients veulent dénoncer la façon dont a été réalisée la commercialisation.En effet,BNP Paribas a placé ce prêt au travers d’intermédiaires sans correctement informer les emprunteurs. » Il poursuit : « Le dépôt de plainte va éclaircir l'organisation de la commercialisation du produit et les méthodes utilisées. Le parquet déterminera ainsi si cette pratique commerciale est réfléchie, auquel cas l'infraction pénale est caractérisée, ou s'il s'agit plutôt d'un défaut de conseil et d'information. »
… et les intermédiaires...
La banque n’est pas la seule visée par la plainte, les CGP et les promoteurs ayant proposé le produit sont aussi attaqués. La banque a d’ailleurs précisé qu'elle n'avait pas directement commercialisé le produit mais l'avait diffusé par le biais d’intermédiaires en opérations bancaires. « L'IOB est mandaté pour commercialiser et agit au nom et pour le compte de la banque. Si la banque n'a pas organisé ces pratiques commerciales, elle devra se retourner contre ses mandataires, indique Charles Constantin-Vallet.La plainte au pénal permet d’ailleurs de clarifier le rôle de la banque qui se défausse sur les intermédiaires et d’empêcher que seuls ces derniers voient leur responsabilité engagée sur le plan civil. »
… avant une action civile.
Une action au civil devrait s'ensuivre au premier trimestre de l’année prochaine. Deux angles d'attaque cumulatifs se présentent. « Le premier moyen consiste à demander la nullité du contrat de prêt en considérant qu'il y a eu dol. En effet, les emprunteursn'auraient jamais consenti le prêt s’ils avaient eu la bonne information. Le second est d’engager la responsabilité des intermédiaires et du banquier, ces derniers devant remplir un devoir de mise en garde et de conseil », envisage l’avocat. Cette poursuite concernerait la banque, les promoteurs, les CGP, mais aussi certains notaires non visés dans la plainte au pénal. « Une seule proposition de crédit a été faite aux investisseurs précisant que c'était la meilleure offre du marché. Etant donné que cela n’est pas le cas, il serait intéressant de connaître les conditions de rémunération des intermédiaires pour le placement de ce produit », remarque-t-il.
Parallèlement, la DGCCRF sera également saisie.